Diagnostic prénatal non
invasif par analyse des cellules fœtales circulant dans le sang maternel
P. PATERLINI-BRECHOT |
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Les cellules épithéliales ne circulent pas habituellement dans le sang périphérique, sauf dans des conditions particulières comme la grossesse et la maladie carcinomateuse. Dans ces conditions, le nombre de cellules épithéliales qui circulent est bas, de l'ordre de 1 ou 2 par ml, c'est-à-dire 1 ou 2 cellules épithéliales mélangées à environ 10 millions de cellules leucocytaires et à 5 milliards d'érythrocytes. Nous avons montré que la technique ISET (Isolation by Size of Epithelial Tumor cells) est en mesure d'isoler et de concentrer les cellules épithéliales qui circulent dans le sang. Parmi les cellules fœtales qui traversent la barrière placentaire, quatre types ont été identifiés : progéniteurs myéloïdes et lymphoïdes, érythrocytes nucléés, cellules trophoblastiques (cytotrophoblastes et syncytiotrophoblastes) (Bianchi, 1998 ; Bianchi, 1999). En ce qui concerne les progéniteurs myéloïdes et lymphoïdes (cellules CD34 et CD38 positives), il a été montré qu'ils peuvent persister dans le sang maternel jusqu'à 27 ans après une grossesse ou une fausse-couche (Bianchi, 1996). Leur isolement ne s'associe donc pas à la certitude qu'ils dérivent de la grossesse en cours. Beaucoup d'espoirs ont été portés sur l'étude des cellules trophoblastiques libérées dans la circulation maternelle. Il s'agit de cellules épithéliales, dont seul un petit nombre atteint la circulation périphérique car la majorité est séquestrée au niveau du poumon maternel. En outre, la plupart des anticorps monoclonaux dirigés contre ces cellules se sont révélés peu spécifiques. A l'heure actuelle, les stratégies
adoptées pour détecter un handicap génétique chez l'enfant à naître
font en général appel à l'étude des cellules obtenues par
amniocentèse ou choriocentèse. Cependant, ces deux méthodes sont
associées à un risque non négligeable de fausse-couche (jusqu'à 1 %).
NOTRE EXPERIENCE SUR LES CELLULES FŒTALES DANS LE SANG MATERNEL Compte tenu de la rareté des cellules fœtales dans le sang périphérique maternel, la première difficulté concerne l'isolement de ces cellules. En effet, ces cellules fournissent une source d'ADN fœtal susceptible d'être soumis à l'analyse génétique. Nous avons appliqué la technique ISET aux prélèvements sanguins (2 ml) de 6 mères avec fœtus masculin et 7 mères avec fœtus féminin. Les cellules épithéliales ont été microdisséquées et leur génome a été analysé avec des amorces spécifiques du chromosome Y et des marqueurs STR. Vingt-trois cellules ont été microdisséquées à partir des prélèvements des femmes avec fœtus masculin. De ces cellules, 15 ont donné un résultat positif avec les amorces Y. Vingt-six cellules ont été microdisséquées à partir des prélèvements des femmes avec fœtus féminin. Aucune de ces cellules n'a donné de résultat positif avec les amorces Y alors que toutes étaient positives avec les amorces HLA. Pour chaque cellule, le diagnostic de cellule fœtale a été réalisé par l'utilisation d'un cinquième de l'ADN de la cellule unique microdisséquée. Cela signifie qu'il est possible d'utiliser l'ADN restant pour le diagnostic génétique (recherche de mutations ou quantification allélique). Pour 11 cellules, nous avons montré que l'origine fœtale de la cellule peut être démontrée par allélotypage STR. En effet nous avons effectué un allélotypage de l'ADN du fœtus (prélèvement d'amniocentèse) par rapport à l'ADN paternel et maternel (cellules leucocytaires). Une fois identifié le couple d'amorces STR (short terminal repeats) capable d'identifier les deux allèles du fœtus, nous l'avons appliqué à l'ADN des cellules microdisséquées. Le résultat nous a montré que 6 cellules montraient un profil fœtal et 5 un profil maternel. Ce résultat ouvre des perspectives extrêmement intéressantes pour le diagnostic prénatal précoce et non invasif (Vona G. et al., 2002). Cette étude montre, pour la première
fois, l'enrichissement de cellules fœtales circulant dans le sang
maternel, permettant l'identification de cellules fœtales par l'analyse
de leur génome. En fait, des cellules foetales ont été identifiées
chez toutes les mères testées en analysant seulement 2 ml de sang
périphérique. Nous avons aussi démontré que l'identification de
cellules fœtales indépendamment du sexe fœtal est faisable, par
l'utilisation de marqueurs STR fortement polymorphes. L'impact clinique de
la stratégie STR dépend de la possibilité de la combiner avec une
approche très efficace pour enrichir et microdisséquer les cellules fœtales.
Notre travail fournit un exemple réussi de cette combinaison. De plus,
une PCR avec amorces Y peut être appliquée pour identifier des cellules
fœtales derivées de fœtus masculins. Nous avions déjà montré qu'ISET
est un outil très sensible pour l'enrichissement de cellules
épithéliales. Un avantage majeur d'ISET sur la cytométrie de flux et
l'application de techniques immunomagnétiques est de ne pas endommager
les cellules isolées, ce qui réduit la perte de cellules fœtales et
augmente la sensibilité du test. Conformément à ces observations, nous
avons maintenant démontré l'enrichissement de cellules fœtales à
partir d'une quantité très basse de sang maternel (2 ml). Nous avons
isolé des cellules mononucléées, qui sont probablement des
cytotrophoblastes, et des cellules polynucléatées, qui sont des
syncytiotrophoblastes (fig. 1, voir 3e de couverture). Ces types de
cellules n'ont jamais été observés chez les 22 donneurs de sang et 44
patients avec carcinome hépatocellulaire analysés par ISET (Vona G.,
2002). Des travaux précédents ont montré la persistance post-partum
dans le sang maternel de cellules lymphoïdes et/ou de précurseurs
myéloïdes fœtaux, mais pas de cellules trophoblastiques (Bianchi D.,
1996). Par conséquent, l'analyse de cellules trophoblastiques circulant
dans le sang permet de cibler les tests génétiques à la grossesse en
cours. VERS UN DEPISTAGE GENETIQUE Un autre aspect intéressant de cette approche est la possibilité d'effectuer au moins cinq analyses PCR à partir de l'ADN d'une cellule individuelle. Cela devrait permettre d'effectuer le dépistage génétique sélectivement sur des cellules caractérisées comme fœtales par l'analyse de leur génome. Nous avons montré que les cellules fœtales peuvent être identifiées par des marqueurs polymorphes STR. La détection prénatale par FISH (Fluorescence In Situ Hybridization) de cellules fœtales avec trisomie 21 dans le plasma maternel a récemment été décrite (Poon L., 2000). Cette approche est intéressante, mais les cellules fœtales sont rares dans le plasma (1 sur 500 à 1 sur 2000) et sont principalement apoptotiques. De plus, des cellules fœtales euploïdes de fœtus féminin ne peuvent pas être identifiées par cette méthode. Dans ce contexte, il faut remarquer que le protocole FISH peut être appliqué aux cellules enrichies par ISET (Vona G., 2000). Une proportion d'ADN fœtal (environ 3,4 % d'ADN maternel) (Lo Y.M., 2000) est aussi présente dans la fraction maternelle de plasma et accessible pour le dépistage génétique. Bien que cette fraction soit utile pour la détection du sexe fœtal, le mélange d'ADN fœtal et maternel peut gêner le dépistage génétique comme la détection de mutations ponctuelles de l'ADN fœtal et des études de dosage allélique. Dans ce contexte, notre approche fournit la preuve morphologique que les cellules isolées ne sont pas apoptotiques et adresse l'analyse génétique à un génome fœtal pur. Pour conclure, nous avons décrit une
approche fiable, non-invasive, basée sur l'enrichissement de cellules fœtales
et leur caractérisation génétique au niveau de la cellule unique, qui
est susceptible d'être appliquée au diagnostic prénatal des maladies
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