Les
techniques du diagnostic prénatal
Rédaction
: Elisabeth Faure, Août 2002
Définition
Le diagnostic
prénatal est l'ensemble des techniques permettant d'identifier des
anomalies graves pendant la grossesse. Dans certains cas, il sera
possible de traiter l'enfant avant même sa naissance, in utero ;
mais souvent, il n'existera pas de traitement et les couples
pourront opter pour une interruption médicale de grossesse.
Le diagnostic
prénatal est indipensable car il permet de détecter 60 % des
malformations. En France, plus de 90 % des foetus sont soumis à un
diagnostic prénatal. Celui-ci intervient de plus en plus
précocément dans la grossesse.
Le
conseil génétique
Il doit être
sollicité chaque fois qu'un risque de maladie ou de malformation
est soupçonné par une éventuelle descendance. Il relève de la
compétence de consultations spécialisées. Idéalement, le conseil
génétique devrait avoir lieu avant toute conception.
L'interrogatoire a sa place centrale dans le conseil génétique :
il doit être extrêmement minutieux. Les techniques de biologie
moléculaire pourront venir renforcer son importance et son
intérêt.
Plusieurs circonstances conduisent un couple en conseil génétique
: parents ou enfants atteints de maladie héréditaire dont ils
veulent apprécier le risque de récurrence, problèmes de la
consanguinité, morts-nés malformés, parents ayant un enfant
handicapé mental sans diagnostic précis, parents ayant un enfant
porteur d'une aberration chromosomique et qui craignent la
récurrence lors d'une nouvelle grossesse, couple stérile ou ayant
eu des fausses-couches à répétition.
L'échographie
(Source :
L'échographie obstétricale au cours de la grossesse en l'absence
de facteur de risque, Anaes, décembre 1998)
L'échographie
obstétricale, en l'absence de facteur de risque, permet le
diagnostic prénatal de malformations nécessitant une prise en
charge : sa spécificité est actuellement supérieure à 99 %
(qualité de preuve de niveau I). Sa sensibilité s'est améliorée
considérablement ces 10 dernières années, et se situe dans les
études européennes aux environs de 60 %, pour une prévalence des
anomalies fœtales de 2 à 3 % en population générale (qualité de
preuve de niveau I).
Échographies
du 1er et du 2e trimestre de la grossesse
Il est recommandé deux échographies au cours des deux premiers
trimestres de la grossesse, en l'absence de facteur de risque :
- la première à la 11-13e semaine d'aménorrhée
Elle permet de déterminer le terme, de dépister des malformations
majeures à expression précoce, et de rechercher des signes d'appel
de malformations fœtales et d'anomalies chromosomiques
(recommandation de grade C). L'utilisation conjointe des voies
abdominale et vaginale permet de préciser si les contours crâniens
sont présents et la division cérébrale correcte, si la paroi
abdominale est normalement fermée, si les quatre membres ont chacun
trois segments, si l'estomac est en place, si la région cervicale
postérieure a un aspect normal. Une mesure systématique de la
clarté de la nuque permet le dépistage d'anomalies chromosomiques
comme la trisomie 21.
- la seconde à la 22-24e semaine d'aménorrhée
L'étude de l'écho-anatomie fœtale n'est suffisamment probante que
vers le milieu du deuxième trimestre (recommandation de grade A).
C'est l'échographie retenue dans les pays où une seule
échographie est recommandée. A ce stade, on pourra également
apprécier la quantité du liquide amniotique, la situation du
placenta et la biométrie foetale.
Échographie
du 3e trimestre de la grossesse
Il n'y a pas suffisamment d'études, et donc un niveau de preuve
insuffisant, pour recommander ou exclure une échographie en
l'absence de facteur de risque et lorsque l'examen clinique est
normal (recommandation de grade C). La justification de la
réalisation de cette échographie est le diagnostic tardif des
malformations, afin de permettre soit une meilleure prise en charge
périnatale et une amélioration du pronostic à long terme, soit
une interruption médicale tardive de la grossesse en cas de
diagnostic d'une affection particulièrement grave et incurable
(qualité de preuve de niveau III).
Les
techniques obstétricales
Elles
consistent en des prélèvements d'échantillons foetaux obtenus
directement à partir du foetus ou indirectement à partir de
structures ovulaires annexes telles que le placenta. Ces techniques
sont toujours précédées d'un examen échographique s'assurant de
la bonne viabilité foetale, de l'âge gestationnel et de la
localisation du placenta.
1.
L'amniocentèse
Cette
technique de diagnostic prénatal effractif est pratiquée sous
échoguidage. Elle consiste à introduire une aiguille fine à
travers les parois abominale et utérine maternelle afin de
prélever un peu de liquide amniotique dans lequel baigne le foetus
(moins d'une minute). Elle est habituellement réalisée après la
14ème semaine de gestation. La précision du guidage échographique
permet désormais d'envisager des amniocentèses beaucoup plus
précoces à partir de la treizième semaine d'aménorrhée avec
cependant un taux d'échec et de complications un peu plus élevé.
Les deux tests du liquide amniotique fréquemment pratiqués sont le
caryotype foetal à partir des cellules foetales et de la membrane
se trouvant dans le liquide amniotique et la mesure de
l'alpha-foetoprotéine du liquide amniotique.
Le principal inconvénient de l'amniocentèse est que les résultats
du diagnostic prénatal ne sont connus qu'entre les 17 et 20 èmes
semaines de gestation.
Dans l'ensemble bien maîtrisée, cette technique se complique d'un
avortement dans 1 % des cas environ. On estime à un ou deux par
3000 interventions le risque d'infection au moment de
l'amniocentèse.
2.
La choriocentèse ou placentocentèse
Il s'agit de
prélever un échantillon de trophoblaste. On parle aussi de biopsie
de villosités choriales. Le prélèvement peut s'effectuer par la
voie transvaginale avec un cathéter souple et une seringue sans
anesthésie et de façon précoce entre la 11ème et la 13 ème
semaine d'aménorrhée. La voie transabdominale avec une aiguille
est actuellement la plus utilisée. La choriocentèse présente
l'avantage de procurer une quantité suffisante d'ADN immédiatement
disponible pour un diagnostic biochimique ou moléculaire rapide et
surtout d'être pratiquée assez tôt au cours de la grossesse. Le
risque global de perte spontanée de grossesse chez les femmes
enceintes d'un âge plus avancé quand aucune intervention n'est
pratiquée est estimé à 2 ou 3 %. La technique de prélèvement
des villosités choriales ajoute environ un à deux pour cent à ce
risque.
3.
La cordocentèse
Il s'agit d'un
prélèvement de sang foetal par ponction directe du cordon
ombilical. Cette technique guidée par échographie est
nécessairement tardive à partir de la 18ème semaine de la
grossesse et jusqu'au terme. Le principal avantage de la
cordocentèse est qu'elle permet un accès direct au foetus. Mais
les risques d'avortements ne sont pas négligeables : 3 à 5 % selon
le contexte.
4.
Autres prélèvements foetaux
Des biopsies
de tissus foetaux peuvent être obtenues à partir de la peau, du
foie, des liquides tirés des voies urinaires du foetus, de
l'abdomen,du thorax mais les progrès de la génétique moléculaire
rendent ces techniques d'utilisation beaucoup plus rares. Le recours
à ces prélèvements relève d'indications particulières.
5.
Radiographie et IRM
Le recours à
la radiographie pour le diagnostic prénatal est beaucoup moins
fréquent depuis l'existence de l'échographie en temps réel. Elle
peut être indiquée pour obtenir des renseignements
supplémentaires quand des anomalies importantes du squelettre sont
diagnostiquées par l'échographie.
L'imagerie par résonance magnétique peut diagnostiquer les
anomalies foetales du système nerveux central, le tératome
cervical, les masses dans la poitrine et le neuroblastome surrénal.
6.
Le diagnostic préimplantoire
Le diagnostic
préimplantoire n'a été autorisé en France par le législateur
qu'en 1999. Il est légalement restreint aux affections génétiques
d'une particulière gravité, incurables au moment du diagnostic. Il
concerne les couples qui ont perdu un ou plusieurs enfants ou fait
l'expérience d'une ou plusieurs interruptions médicales de
grossesse du fait d'une pathologie génétique grave, les couples
qui doivent recourir à une procréation médicalement assistée du
fait d'une infécondité, un couple où l'un des parents est porteur
d'une translocation chromosomique réciproque.
Il applique
deux techniques de biologie moléculaire, la FISH (fluorescence in
situ hybridization) et la PCR (polymerase chain reaction), à la
réalisation d'un diagnostic sur un seul blastomère prélevé sur
l'embryon de huit cellules trois jours après la fécondation in
vitro. La FISH est surtout utilisée pour les maladies génétiques
récessives liées au sexe. Elle sert également, si un des parents
est porteur d'une anomalie chromosomique équilibrée, à vérifier
que celle-ci n'est pas déséquilibrée chez l'embryon. La PCR est
plutôt utilisée pour toutes les mutations concernant des gènes
d'hérédité mendélienne. Pour le moment, la technique est
maîtrisée pour l'amyotrophie spinale, la mutation DF 508
homozygote de la mucoviscidose et la myopathie de Duchenne. Un
diagnostic prénatal est systématiquement pratiqué pour confirmer
les données du diagnostic préimplantoire.
7.
Les techniques non invasives
Il s'agit de
mettre en évidence les cellules foetales passant en faible
quantité dans la circulation maternelle (environ une cellule
foetale par millilitre) ce qui est possible dès la fin du premier
trimestre de la grossesse. Mais l'utilisation de cellules foetales
isolées à partir d'un simple prélèvement veineux maternel est
loin d'être réalisable en routine. C'est une technique d'avenir
qui permettrait de court-circuiter les risques afférents à
l'amniocentèse et à la choriocentèse. Une équipe dirigée par
Patrizia Paterlini-Bréchot (unité Inserm 370, laboratoire de
biochimie A, CHU Necker Enfants Malades) a en tout cas fait un grand
pas dans ce sens en mettant au point un procédé fiable, non
invasif, permettant de sélectionner les cellules fœtales circulant
dans le sang maternel, puis de confirmer leur origine fœtale.
Les
techniques biologiques
(Source : La
surveillance biologique de la femme enceinte en bonne santé et sans
antécédents pathologiques, Supplément au n° 40 du Concours
Médical du 30/11/96)
1.
Les examens sérologiques
Au cours de la
grossesse, des examens sérologiques sont indiqués :
Au premier
trimestre de la grossesse
- dépistage de la syphilis,
- dépistage de la toxoplasmose et de la rubéole (une sérologie
toxoplasmique sera répétée chaque mois à partir du 4ème mois de
grossesse si l'immunité n'est pas acquise),
- détermination des groupes sanguins,
- recherche d'anticorps irréguliers à l'exclusion des anticorps
dirigés contre les antigènes A et B.
Au cours du
6ème mois de grossesse
- dépistage de l'antigène HBs,
- numération globulaire,
- chez la femme rhésus négatif ou précédemment transfusées, la
recherche des anticorps irréguliers à l'exclusion des anticorps
dirigés contre les antigènes A et B.
Au cours du
8ème ou 9ème mois de grossesse
- chez la femme rhésus négatif ou précédemment transfusée, la
recherche des anticorps irréguliers à l'exclusion des anticorps
dirigés contre les antigènes A et B,
- deuxième détermination des groupes sanguins A, B, O, rhésus
standard, si nécessaire.
Les
Recommandations faites par le HCSP sont les suivantes :
(elles sont à actualiser en fonction de données de la
science)
- En raison de la nécessité de connaître son statut sérologique
vis-à-vis de la rubéole et de la toxoplasmose avant le début de
la grossesse , toute femme "en âge de" et/ou souhaitant
une grossesse doit avoir ces examens sérologiques dans les mêmes
conditions de remboursement que celles de l'examen prénuptial.
- Le dépistage de la syphilis en cours de grossesse reste indisp e
n s a b l e .
- Une sérologie de la rubéole doit être faite chez toute patiente
dont le résultat date de deux ans et plus.
- Le dépistage de l’hépatite B doit être réalisé dès le
premier tri-m e s t re, pour mettre en place l’enquête familiale
et éventuellement envisager une vaccination chez les femmes
enceintes non immu-nisées. Actuellement, il devrait être pratiqué
au sixième mois de g rossesse d’après la réglementation.
- Aucune surveillance biologique systématique pour le suivi de la
grossesse normale ne doit être faite en dehors des examens o b l i
g a t o i res (encadré p. 9 ) chez une femme sans antécédents
pré-cis, sans facteurs de risque, sans terrain pathologique et sans
signes d’appel cliniques ou biologiques.
- Chaque praticien doit pro p o s e r, après information sur les
risques de contamination, un test de dépistage de l’infection par
le viru s de l’immuno-déficience humaine lors de l’examen
prénuptial et lors de la pre m i è re consultation prénatale.
- La valeur prédictive négative des bandelettes urinaires
asso-ciant leucocytes et nitrites, atteignant 99 %, permet de les
re-commander pour le dépistage systématique mensuel de la
bac-tériurie asymptomatique pendant la grossesse, sous réserve du
respect des conditions d’utilisation. La présence à la
bandelette d’une protéinurie et/ou nitriturie et/ou leucocyturie
et/ou héma-turie sera contrôlée par un examen
cyto-bactériologique des urines.
- Le dépistage de l’hépatite C doit être réservé aux groupes
à risques (antécédents de transfusions sanguines, de toxicomanie,
d’hépatite, infection au virus de l’immuno-déficience humaine,
zones à forte prévalence…).
- Le dépistage du portage vaginal des streptocoques du gro u p e B
pendant la grossesse normale ne doit pas être systématique. Ce g e
rme sera re c h e rché dans les circonstances suivantes : signes d’infections
uro-génitales, de ru p t u re prématurée des membranes, de menace
d’accouchement prématuré, de fièvre maternelle avec suspicion
de chorioamniotite, d’antécédents d’infection néonatale ou de
chorioamniotite.
- Il est indispensable d’évaluer : les modalités de dépistage
du diabète gestationnel ; l’intérêt, les modalités et les
conséquences de la mise en place du dépistage des infections à
CMV ; le bien-fondé des pratiques de bilans d’hémostase en fin
de gro s s e s s e .
2.
L'étude du caryotype
Le caryotype
foetal fait partie du bilan systématique des syndromes malformatifs
et des retards mentaux. L'intérêt de cet examen est d'identifier
les anomalies de nombre et de structure de l'ensemble des
chromosomes de la cellule.
L'indication
la plus fréquente du caryotype foetal est la mère âgée de plus
de 38 ans : diagnostic anténatal par amniocentèse pour réaliser
le caryotype foetal et vérifier que l'enfant n'est pas trisomique
21.
La méthode
consiste, après biopsie cutanée, à isoler les cellules d'origine
foetale du liquide amniotique et de les cultiver à 37° dans un
milieu nutritif contenant des facteurs de croissance.
Généralement, elles sont étudiées à partir du 10 ème jour de
culture et le résultat est donné dans un délai de deux à trois
semaines. La précision dans la définition des anomalies
chromosomiques détectées varie beaucoup selon les techniques
cytogénétiques utilisées. Ces dernières années, la
cytogénétique moléculaire par FISH à contribuer à affiner de
façon considérable le pouvoir de résolution. La FISH (fluorescent
in situ hybridation) fait appel à des sondes non radioactives
marquées par un fluorochrome (ou sondes froides) : développement
d'une hybridation in situ en fluorescence.
Le caryotype
foetal partiqué par biopsie du trophoblaste est plus rare : le
résultat est plus précoce et plus rapide mais la technique est
beaucoup plus dangereuse. On considère que le risque de fausse
couche provoqué par la biopsie du trophoblaste se situe aux
environs de 3 à 5 % alors que celui de l'amniocentèse n'excède
pas o,5%.
3.
Les marqueurs sériques maternels
Un taux bas
d'alphafoetoprotéine dans le sérum maternel prélevé à la 15ème
semaine d'aménorrhée indique a priori un risque accru de trisomie
21 foetale. Selon le signe d'alerte retenu on peut ainsi dépister
jusqu'à 30 % des foetus trisomiques 21. De même sur un taux
significativement élevé de gonadotrophine chorionique humaine dans
le sérum maternel, on peut sélectionner un groupe où se situent
les deux tiers des anomalies chromosomiques. Il existe aussi une
relation entre le taux sérique bas d'oestriol non conjugué et la
trisomie 21. En France, l'arrêté ministériel du 23 janvier 1997
reconnaît au même titre que l'âge maternel et les signes d'appel
échographiques, que toute grossesse dont le risque de trisomie 21 a
été évalué par les marqueurs sériques maternels à plus de
1/250 peut bénéficier d'un caryotype foetal avec prise en charge
par les caisses d'assurance maladie. Cela revient à proposer une
amniocentèse à environ 5% des femmes enceintes.
4.
L'analyse moléculaire
Les techniques
d'analyse moléculaire sont utilisées pour le diagnostic prénatal
des maladies génétiques héréditaires. La quasi-totalité des
indications retenues pour réaliser un diagnostic prénatal avec ces
techniques concerne les couples à risque. Les techniques utilisées
font appel à la complémentarité des bases de l'ADN. Ainsi, un
segment d'ADN bien identifié et complémentaire de la séquence
génomique à étudier permet de cibler précisément cette
séquence. Deux approches sont possibles : l'utilisation de sondes
moléculaires et la technique PCR. Avec la génétique moléculaire,
il est possible de rechercher une anomalie du gène de la globine,
de la dystrophine musculaire, ou toute autre mutation, à partir de
n'importe quelles cellules du liquide amniotique ou du trophoblaste.
Les méthodes d'analyse directe consistent à mettre en évidence la
lésion moléculaire elle-même : possible si la nature de la
mutation responsable de l'affection a pu être préalablement
identifiée dans la famille. Souvent, il est impossible d'analyser
directement la mutation en cause. Le seul recours reste la méthode
de diagnostic indirect qui permet de suivre la transmission du gène
supposé muté grâce à des marqueurs proches lesquels ont pour
effet de différencier la région chromosomique portant le gène
muté de celle portant son homologue normal.
Limites de la biologie moléculaire : des difficultés pratiques
telles que la présence de cellules maternelles dans le
prélèvement foetal, une contamination minime par de l'ADN
étranger qui sera amplifié par la technique de PCR ou la mise en
évidence fortuite d'une autre paternité.
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